Pas d’action pénale autonome des parties civiles à l’égard des militaires engagés dans des opérations extérieures
Par une décision 2019-803 QPC, le Conseil constitutionnel vient de valider une importante disposition du code de procédure pénale français (article 698-2, second alinéa) qui interdit aux victimes (ou prétendues telles) de mettre seules en mouvement l’action publique à raison de faits commis par un militaire engagé dans une opération extérieure. Cette prérogative demeure le monopole du parquet, libre d’apprécier l’opportunité de telles poursuites. A l’occasion d’une affaire de droit commun de harcèlement, la disposition en cause était critiquée à la fois sous l’angle du droit au recours juridictionnel effectif et au regard du principe d’égalité, les infractions commises par un militaire en France pouvant donner lieu à une mise en mouvement de l’action publique par la partie lésée.
Le Conseil constitutionnel a écarté à juste titre ces deux griefs :
- d’une part, les parties lésées par l’action d’un militaire en OPEX peuvent toujours obtenir réparation devant le juge civil ou le juge administratif ;
- d’autre part, les militaires en opérations extérieures doivent être protégés contre les actions pénales abusives, et seul le procureur de la république doit disposer de ce droit de mise en mouvement de l’action publique.
Une telle solution, qui contredit une jurisprudence excessivement libérale de la chambre criminelle de la Cour de cassation antérieure à la loi du 18 décembre 2013 (Cass Crim. 10 mai 2012, action de familles de militaires tués en Afghanistan), mérite l’approbation sans réserves : elle prend en considération la spécificité des opérations extérieures françaises, qui sont aujourd’hui nombreuses et permanentes, elle protège les militaires engagés et le commandement contre une judiciarisation excessive, elle empêche l’instrumentalisation des actions judiciaires (médiatisation des citations directes) et elle évite la déstabilisation de l’action militaire de la France à l’étranger, même si celle-ci n’est pas directement en cause.
Il faut espérer que la Cour européenne des droits de l’homme, si elle est saisie et si elle accepte d’examiner le dossier, partagera cette analyse.
François-Henri Briard