La sécurité juridique et l’espérance légitime font leur entrée dans le droit monégasque : l’État de Monaco sera-t-il bientôt condamné à verser un demi-milliard d’euros à un promoteur local ?

10 décembre 2018

C’est une décision majeure qui a été rendue le 29 novembre 2018 par le Tribunal suprême de Monaco, dans une affaire intéressant un grand promoteur immobilier qui reprochait à la Principauté de ne pas avoir honoré sa signature en refusant d’exécuter loyalement un contrat public portant sur un vaste projet d’aménagement immobilier et culturel (Requête n° TS 2018-08). L’affaire était singulière, l’État de Monaco ayant préféré paralyser l’exécution normale du contrat en invoquant des motifs fallacieux, plutôt que de résilier la convention pour motif d’intérêt général. Lassé d’attendre, le promoteur a agi devant la juridiction constitutionnelle et administrative suprême du pays et a sollicité, outre l’annulation de la décision qui lui faisait grief, le versement d’une indemnité de 423 millions d’euros avec intérêts de droit en réparation de son préjudice. Représenté par l’Avocat-Défenseur monégasque Arnaud Zabaldano et le cabinet Briard, Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation*, le requérant avait placé son argumentation sur le double terrain, original et inédit localement, de la sécurité juridique et de la confiance légitime, désormais bien connus et pratiqués dans le pays voisin. Le Tribunal suprême a accueilli cette approche. Après avoir admis sa compétence administrative ainsi que la détachabilité de l’acte attaqué et censuré avec fermeté le retrait de signature de l’État, le Tribunal suprême, faisant solennellement référence à l’article 2 de la Constitution, a posé qu’il lui appartenait de garantir à Monaco un exercice effectif des droits et libertés constitutionnellement garantis, et notamment du principe de sécurité juridique, inhérent à l’État de droit. À partir de ce postulat, le Tribunal suprême a déroulé un raisonnement essentiel, consacrant la protection des espérances légitimes, notamment en lien avec le droit de propriété, auquel il ne peut être porté une atteinte disproportionnée sans motif légitime et sans indemnisation raisonnable. Ce faisant, le Tribunal suprême a constaté l’illégalité du retrait de signature et a ouvert la voie à une indemnisation du promoteur, à l’issue d’une expertise contradictoire.

*François-Henri Briard était dans cette affaire l’avocat plaidant.

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