Déclaration de créance. Nature de la créance antérieure à déclarer. Créance déclarée par l’agent comptable de l’établissement public.

Cass. Com., 10 janvier 2018, pourvoi n°16-20.764

« Vu les articles 665 et 692 du code de procédure civile, ensemble les articles L. 622-27, L. 624-3 et R. 624-1 du code de commerce ;

Attendu que, pour juger que l’Oppic est recevable à contester la proposition de rejet de sa créance formulée par le mandataire judiciaire, l’arrêt constate que le liquidateur a adressé sa lettre de contestation à l’Oppic, et non à l’agent comptable de celui-ci pourtant seul habilité à agir en matière de déclaration de créance ; qu’il en déduit qu’un tel envoi de la lettre de contestation, irrégulier, n’a pas fait courir le délai de trente jours prévu par l’article L. 622-27 du code de commerce pour contester la proposition du mandataire judiciaire ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’envoi de la lettre de contestation au siège de l’Oppic, qui avait la qualité de créancier, valait avis à celui-ci de l’existence de la contestation au sens de l’article R. 624-1, alinéa 2, du code de commerce, peu important que la lettre n’eût pas été adressée personnellement à l’agent comptable, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».

En l’espèce, l’agent comptable d’un établissement public à caractère administratif avait déclaré une créance au passif d’une société mise en redressement puis en liquidation judiciaires. Cette créance avait fait l’objet d’une contestation par le liquidateur qui avait adressé au siège de l’établissement public une lettre de contestation. Cette lettre étant restée sans réponse dans le délai de trente jours suivant cet envoi, le juge-commissaire avait rejeté la créance. L’établissement public, agissant par son agent comptable, avait alors formé un recours contre cette ordonnance, en faisant valoir que ni le délai d’appel contre l’ordonnance du juge-commissaire, ni celui pour répondre à la contestation n’avaient couru, au motif que cette ordonnance et la lettre de contestation n’avaient pas été « notifiées » à son agent comptable, seul compétent pour déclarer les créances.

Constatant que le liquidateur avait adressé sa lettre de contestation à l’établissement public, et non à l’agent comptable de celui-ci, pourtant seul habilité à agir en matière de déclaration de créance, la Cour d’appel accueillit le recours formé par l’établissement public et jugea qu’en raison de son irrégularité, l’envoi de la lettre de contestation par le liquidateur n’avait pu faire courir le délai de trente jours prévu par l’article L. 622-27 du code de commerce pour contester la proposition du mandataire judiciaire, de sorte que l’établissement public était encore recevable à contester la proposition de rejet de sa créance formulée par le mandataire judiciaire.

La censure de l’arrêt est prononcée au visa des articles 665 et 692 du code de procédure civile et des articles L. 622-27, L. 624-3 et R. 624-1 du code de commerce, la Cour de cassation jugeant que l’envoi de la lettre de contestation au siège de l’établissement public en sa qualité de créancier vaut, pour lui, avis de l’existence de la contestation au sens de l’article R. 624-1, alinéa 2, du code de commerce, « peu important que la lettre n’eût pas été adressée personnellement à l’agent comptable ».

Cette décision s’oppose, à première vue, à la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle l’agent comptable est seul compétent pour déclarer les créances d’une collectivité publique, ainsi que pour répondre à la lettre de contestation envoyée par le mandataire de justice. Elle trouve néanmoins appui sur la lettre des textes, lesquels ne prévoient nullement que l’envoi d’un avis de contestation de créance à un établissement public ne doive nécessairement être adressé à son agent comptable.