Clauses abusives et prêts en devise : la CJUE affine son interprétation des articles 3 et 4 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993

15 décembre 2017

CJUE, 20 septembre 2017, Andriciuc e.a., affaire n° C-186/16

Répondant à trois questions préjudicielles posées par la cour d’appel d’Oradea (Roumanie) relatives à l’interprétation des articles 3 et 4 de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993, dans le cadre d’un litige concernant des prêts libellés en francs suisses et remboursables dans cette même devise, l’ayant conduite à apprécier le caractère abusif de la clause de remboursement stipulée aux termes de ces prêts, la Cour de justice a précisé que :

  • la notion d’« objet principal du contrat », au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, couvre une clause contractuelle insérée dans un contrat de prêt libellé en devise étrangère, n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle et selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté, dès lors que cette clause fixe une prestation essentielle caractérisant ce contrat. Par conséquent, cette clause ne peut pas être considérée comme étant abusive, pour autant qu’elle soit rédigée de façon claire et compréhensible ;
  • l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible suppose que, dans le cas des contrats de crédit, les établissements financiers doivent fournir aux emprunteurs des informations suffisantes pour permettre à ceux-ci de prendre leurs décisions avec prudence et en toute connaissance de cause. À cet égard, cette exigence implique qu’une clause selon laquelle le prêt doit être remboursé dans la même devise étrangère que celle dans laquelle il a été contracté soit comprise par le consommateur à la fois sur le plan formel et grammatical, mais également quant à sa portée concrète, en ce sens qu’un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, puisse non seulement connaître la possibilité de hausse ou de dépréciation de la devise étrangère dans laquelle le prêt a été contracté, mais aussi évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières. Il appartient à la juridiction nationale de procéder aux vérifications nécessaires à cet égard ;
  • l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle doit être effectuée par référence au moment de la conclusion du contrat concerné, en tenant compte de l’ensemble des circonstances dont le professionnel pouvait avoir connaissance audit moment et qui étaient de nature à influer sur l’exécution ultérieure dudit contrat. Il incombe à la juridiction de renvoi d’évaluer, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire au principal, et en tenant compte notamment de l’expertise et des connaissances du professionnel, en l’occurrence de la banque, en ce qui concerne les possibles variations des taux de change et les risques inhérents à la souscription d’un prêt en devise étrangère, l’existence d’un éventuel déséquilibre au sens de ladite disposition.