Dépôt d’espèces. Preuve du dépôt. Pouvoir souverain des juges du fond.

Cass. Com., 24 janvier 2018 pourvoi n°16-19.866

« Mais attendu qu’après avoir relevé que la pratique bancaire a développé, pour le dépôt d’espèces dans une boîte aux lettres ou une machine automatique, l’usage d’une enveloppe spécifique avec bordereau renseigné par le client et destinée à recevoir chèques ou espèces, puis relevé que la clause, mentionnée par la banque sur le bordereau, selon laquelle la remise de fonds par le truchement d’un guichet automatique ne donne lieu qu’à la délivrance d’un ticket mentionnant pour mémoire la somme prétendument remise et que le client ne peut prétendre établir la preuve du montant du dépôt par la simple production dudit ticket, le jugement retient que, sauf à être abusive, une telle clause ne saurait priver le client de la possibilité de faire la preuve du dépôt par tout autre moyen ; que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve produits que la juridiction de proximité a, par une décision motivée, retenu que la lettre du 13 mai 2014, dans laquelle la banque reconnaissait avoir retrouvé le double du bordereau de remise, valait commencement de preuve par écrit et que celui-ci était complété par des éléments extrinsèques de nature à prouver le dépôt d’espèces litigieux ; que le moyen n’est pas fondé ».

En l’espèce, une société cliente prétendait avoir déposé la somme de 600 euros en espèces dans le guichet automatique de sa banque, conformément aux modalités propres à l’établissement de crédit. Constatant que cette somme n’avait pas été créditée sur son compte bancaire, ladite société avait demandé à l’établissement concerné de réaliser le paiement non effectué. Celui-ci s’y était opposé, aux motifs qu’aucun dépôt n’avait en réalité été effectué par la cliente, laquelle ne pouvait  ̶  par la production du ticket fourni par le guichet automatique à l’issue de l’opération de dépôt – établir la réalité de celui-ci. En application d’une clause figurant sur le bordereau de dépôt, il était en effet stipulé que la remise de fonds par l’intermédiaire du guichet automatique ne donnait lieu qu’à la délivrance d’un ticket mentionnant pour mémoire la somme prétendument remise et que le client déposant ne pouvait nullement établir la preuve du montant du dépôt par la simple production de ce même ticket.

En se fondant sur la circonstance selon laquelle la banque avait reconnu avoir retrouvé le double du bordereau de remise des fonds, les juges du fond avaient estimé que cette reconnaissance valait commencement de preuve par écrit et que cette preuve avait été suffisamment complétée. Ils avaient, en conséquence, condamné la banque à payer à la cliente le montant des fonds déposés, ainsi que des dommages et intérêts.

Le pourvoi formé par l’établissement de crédit à l’encontre de cette décision est rejeté par la Cour de cassation, laquelle rappelle que la pratique bancaire a développé, pour le dépôt d’espèces dans une boîte aux lettres ou une machine automatique, l’usage d’une enveloppe spécifique avec bordereau renseigné par le client et destinée à recevoir chèques ou espèces.

A l’instar des premiers juges, la Haute juridiction relève également que la clause, mentionnée par la banque sur le bordereau, sauf à être abusive, ne saurait priver le client de la possibilité de faire la preuve du dépôt par tout autre moyen. Elle écarte ainsi toute censure de l’arrêt et juge que « c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve produits que la juridiction de proximité a, par une décision motivée, retenu que la lettre du 13 mai 2014, dans laquelle la banque reconnaissait avoir retrouvé le double du bordereau de remise, valait commencement de preuve par écrit et que celui-ci était complété par des éléments extrinsèques de nature à prouver le dépôt d’espèces litigieux ».